Les parodies du Guernica

(actualisé le ) par Clara DUPE

Pour approfondir votre travail sur le Guernica de Pablo Picasso et préparer l’oral d’Histoire des arts qui aura lieu au mois de mai prochain, je vous propose l’étude supplémentaire de parodies du Guernica réalisées par le groupe espagnol Equipo Crónica.

Ce groupe d’artistes espagnols originaires de la ville de Valence en Espagne a été créé en 1965, durant les dernières années du franquisme (1939-1975). Comme son nom l’indique, les deux artistes qui forment cette "Equipe", Rafael Solbes et Manolo Valdés créent des œuvres en duo et prétendent réaliser la "chronique "de la réalité sociale et politique de la fin du franquisme tout en faisant réfléchir et réagir le spectateur.

Dans la série intitulée Guernica, exposée pour la première fois en 1969 à Bilbao, les deux artistes conjuguent le dramatisme et la violence du tableau de Picasso à l’ironie et l’humour du Pop Art. Leur objectif est de dénoncer la répression exercée par le franquisme. Il s’agit donc de deux artistes subversifs et engagés.

I) El intruso, 1969.

Dans ce premier tableau réalisé en 1969 et intitulé "el intruso", Equipo Crónica réinterprète à travers le Pop Art un des plus grands chefs d’oeuvre du XX ème siècle, le Guernica de Pablo Picasso. En effet, on reconnait en arrière plan le tableau de Picasso, même si les éléments sont agencés différemment. Cependant, au centre de la composition surgit un intrus, un personnage de BD issu de la culture populaire espagnole, "el guerrero del antifaz" .

Cette BD créée en 1944 par Manuel Gago García, raconte les péripéties d’un soldat durant les dernières années de la Reconquête espagnole par les Rois Catholiques à la fin du XVème siècle.

Résumé de l’intrigue :
Le jeune homme, élevé par Ali Kan, un roitelet musulman, est un guerrier féroce dans les combats qui l’opposent à l’ennemi catholique. Mais à l’âge de 20 ans, sa mère lui révèle un terrible secret : elle a été enlevée par Ali Kan lorsqu’elle était enceinte de 2 mois. Notre héros découvre donc qu’Ali Kan n’est pas son vrai père et que ses vrais parents sont en fait catholiques.
Le jeune guerrier décide alors de se venger. Il se déguise pour cacher son identité et décide de consacrer sa vie à combattre les musulmans.

Analyse :

"El guerrero del antifaz" occupe le centre de la composition. Féroce et impitoyable, armé de son épée, il s’apprête à tuer une nouvelle fois. Il apparaît donc comme le responsable de la tuerie et du massacre qui règne autour de lui.
A partir des années 60, cette BD fut beaucoup remise en question parce que certains considéraient qu’elle véhiculait les vieilles valeurs du franquisme. Le recours à cette figure n’est donc pas anodin. On peut y voir une critique de la politique de répression exercée par le franquisme à la fin des années 60. Tout aussi féroce et impitoyable, le franquisme est prêt à faire disparaître quiconque ose s’opposer aux valeurs qu’il véhicule.

Les deux artistes valenciens utilisent des images issues de la culture visuelle de la société (chefs d’oeuvre de l’histoire de l’art/ comics) mais qu’ils manipulent et décontextualisent pour critiquer une réalité déterminée.

II) Guernica, 1971

Une nouvelle fois, les artistes valenciens ont recours aux codes de la Bande Dessinée. Le cheval, l’ampoule qui occupe le centre de la composition et la lampe à pétrole qui apparaissent dans le tableau original sont associés ici aux couleurs vives de la BD ainsi qu’aux onomatopées qui déterminent ce genre. L’onomatopée "Whaam !" avec la prédominance du rouge accentue le ton violent et explosif de la composition. C’est aussi un clin d’oeil à l’artiste américain Lichtenstein.

III) La visita

Cet autre tableau réveille la curiosité du spectateur. La scène se passe dans un musée presque vide. Les personnages du tableau tentent de s’échapper de la toile face à l’arrivée des membres représentants du pouvoir et des institutions politiques qui sont de nouveau ici critiquées.

Conclusion
En fusionnant le dramatisme et la violence du Guernica de Picasso avec l’ironie et l’humour du Pop Art, les deux artistes de Equipo Crónica créent une oeuvre engagée dans laquelle ils montrent leur opposition au régime franquisme et à la politique de répression menée par ce même régime.